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Dans l’émission « C ce soir », diffusée le 12 septembre sur France 5, j’ai raconté comment, lors d’une conversation à propos du procès des viols de Mazan (Vaucluse), Laurent Metterie, mon mari, en était venu à me dire qu’il avait honte, en tant qu’homme, face à cette abominable affaire. Le lendemain, le journaliste Karim Rissouli postait une vidéo dans laquelle il reprenait mes propos et y ajoutait sa voix, affirmant que ce procès était pour lui, et pour bien des hommes, l’occasion d’une prise de conscience. Depuis, en réaction à mes publications et aux siennes sur les réseaux sociaux, un flux continu de messages exaspérés déferle, dans lequel des hommes clament haut et fort ne ressentir aucune honte.
Certains le font avec une hargne qui ne trompe guère sur leurs convictions masculinistes, mais d’autres, nombreux, prennent soin d’argumenter. Le fil rouge de leurs propos consiste à rejeter catégoriquement ce sentiment de honte au motif qu’ils ne seraient en rien « responsables » des agissements ignobles des accusés de Mazan. Il y aurait, d’un côté, une minorité d’hommes « malades », « dégénérés », « monstrueux », et, de l’autre, la majorité des hommes « normaux », « respectueux », « non violents ».
Il se trouve aussi des femmes pour surenchérir et relancer l’accusation qui fait des féministes des furies aigries détestant les hommes et se complaisant dans une posture victimaire. Il s’en trouve même certaines pour déplorer que #metoo sème la terreur et pour dire qu’écouter les victimes, à défaut de les croire, c’est déjà bien.
Cette résistance obstinée m’incite à revenir sur la notion de honte qui est au cœur de la mécanique patriarcale et dont il s’agit précisément de renverser la logique aujourd’hui. Dans Femininity and Domination (« féminité et domination », Routledge, 1991, non traduit), la philosophe étatsunienne Sandra Lee Bartky qualifie la honte de sentiment lié au genre, non pas tant qu’il soit spécifique aux femmes, mais en ce qu’elles sont plus enclines à l’éprouver et de façon plus intense que les hommes. Définie comme une impression permanente d’inadéquation par lequel elles se sentent inférieures, imparfaites ou diminuées, la honte serait pour les femmes un véritable mode d’être-au-monde résultant de multiples processus de socialisation qui construisent, dès l’enfance et tout au long de la vie, un ensemble d’attitudes et d’opinions négatives à propos de soi.
Dans le cas des violences sexuelles, la honte atteint son paroxysme, puisqu’il s’agit de rendre publique une dévastation intime dans un contexte, celui de la culture du viol, qui retourne la charge sur les victimes en supposant qu’elles sont toujours plus ou moins responsables de ce qu’elles ont subi. N’étaient-elles pas trop court vêtues ? N’avaient-elles pas trop bu ? N’avaient-elles pas accepté ce rendez-vous ? Tant et si bien que, selon une enquête de victimation du ministère de l’Intérieur, seules 6 % des personnes victimes de violences sexuelles physiques ont porté plainte en 2022.
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